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BoJack Horseman prend son temps mais finit par faire mouche

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BoJack Horseman prend son temps mais finit par faire mouche


BoJack Horseman est un cartoon satirique américain diffusé depuis 2014 sur Netflix. Pas du tout enthousiaste à son sujet au départ, j'ai persévéré dans la douleur et j'ai plutôt bien fait.



Sur les conseils (insistants) de certains, je me suis lancé dans le visionnage de BoJack Horseman, série animée tragi-comique produite et diffusée par Netflix.




Une direction artistique au poil



Sur cet aspect, je ne trouve rien à redire. On adhèrera plus ou moins au visuel minimaliste mais qui fait le job. L'animation en elle-même est très correcte pour un cartoon, et les doublages sont carrément réussis. Un casting important a été dépêché, avec entre-autres Will Arnett (que des bouses à son actif) dans le rôle de Bojack, Alison Brie en Diane Nguyen (American Dad, Mad Men...), et Aaron Paul (Breaking Bad) pour le doublage de Todd Chavez.

La bande son fonctionne elle-aussi vraiment bien. L'Opening et le Ending sont agréables à écouter, et on se surprend parfois à les laisser pour le plaisir en début et en fin d'épisode. Alternant Rock, Pop, Jazz et même parfois Electro ou Reggae, en passant par les sons les plus commerciaux ou ringards pour les besoins satiriques du scénario, Grouplove et Jesse Novak signent une BO de qualité, toujours adaptée à la situation.




Un contexte qui a du potentiel...



Le cartoon prend place dans un univers contemporain alternatif dans lequel évoluent côte à côte humains et animaux anthropomorphes. BoJack le cheval habite à Los Angeles. Star cinquantenaire has-been, narcissique, désabusée, alcoolique et auto-destructrice, il tire sa célébrité déclinante de son premier rôle dans une Sitcom à succès des années 90 : Horsin' Around. Nostalgique, il rêve de retrouver un semblant de popularité. Il est accompagné dans ses aventures par son squatteur de (seul et unique) pote Todd, humain drogué et complètement paumé (un peu comme.. Jesse Pinkman de Breakin Bad justement, Aaron Paul n'a pas dû être dépaysé), ayant élu domicile sur son canapé, Princess Carolyn, son agent chat, avec qui il entretient une relation amicale et parfois amoureuse, et Mr. Peanutbutter, un chien un peu benêt au passé professionnel similaire à celui de BoJack, mais qui lui a toujours le vent en poupe, son succès faisant de lui le principal rival du héros.



Le show débute sur la rencontre entre BoJack et Diane NGuyen, nègre littéraire se décrivant comme féministe, que notre cheval préféré espère engager pour écrire un bouquin censé le réconcilier avec le grand public américain. Manque de bol, Diane se révèle être la petite amie de Mr. Peanutbutter, ce qui va évidemment compliquer les choses...


...malheureusement sous-exploité selon moi



C'est un peu ce que je reproche à la série. L'exploitation insuffisante de l'énorme potentiel de son univers.

Les animaux tout d'abord. L'aspect animal de beaucoup de personnages donne évidemment lieu à des gags en tout genres et plus ou moins drôles. Mais pas assez! Les saisons 2 et 3 vont exploiter beaucoup plus intelligemment cette possibilité, mais la 1ère ne s'en sert que très peu. De plus, le choix de l'espèce des personnages n'a souvent rien de réfléchi, et on se demande un peu pourquoi tel protagoniste appartient à telle espèce, étant donné l'absence de lien symbolique ou de sens entre espèce et personnalité. On pourrait citer en comparaison le cartoon Ugly Americans, que je place personnellement au-dessus, qui lui utilise l'anthropomorphisme à bon escient dès le départ. La saison 2 commence heureusement à beaucoup mieux tirer parti des bestioles, comme dans cet extrait de son épisode 5, Chickens :



Autre reproche : le showbiz. Bien que très moqués et critiqués ici, Hollywood, ses codes et son système sont selon moi non pas trop peu traités, mais de manière légèrement redondante justement. Les sujets sont nombreux et intéressants, là n'est pas la question : marchandisation de l'art, uniformisation de la production culturelle, cupidité et mépris du système de production hollywoodien envers l'art, hyper-sexualisation des icônes féminines, bien-pensance affichée obligatoire, tout y est. Mais on sent que la mécanique peine à se renouveler sur ce sujet, et les blagues ou situations finissent par se suivre et se ressembler. La satire des médias est quelque-peu victime du même problème, mais globalement, je trouve que c'est un peu mieux. Du coup là-aussi, certains sont meilleurs. South Park par exemple, lorsqu'il choisit de traiter des médias ou de la production culturelle dans un épisode, apporte plus de contenu "frais" et peine moins à maintenir un rythme soutenu. Mais je suis un peu méchant, certaines séquences restent croustillantes, comme cet extrait de l'épisode Brrap Brrap Pew Pew, S03E06 :



Encore une fois, et je développe, je crois que ce qui me gêne le plus, c'est le rythme. Il y a réellement du fond dans Bojack Horseman, et ça c'est une bonne chose, mais il se trouve qu'il est distillé çà et là, entre des séquences relativement anecdotiques, et c'est le reproche qu'on peut faire à nombre de séries américaines, pas seulement animées d'ailleurs : le tricotage un peu trop systématique, pour "tirer sur la sauce". Et du coup, ben... on s'ennuie parfois sévère!

Ceci dit, une grande part de la thématique du show repose sur l'incompatibilité entre BoJack et l'industrie du rêve à laquelle il ne peut pas adhérer. C'est au fond un personnage trop subversif : bourré de défauts, débauché, intolérant, et surtout trop franc pour pouvoir réussir dans ce milieu. Et ça, ça fonctionne vraiment bien.


Ultra référencé et codifié, un bien ou un mal : faut-il lire Closer pour tout comprendre ?



Le cercle restreint des médias et du cinéma américains est particulièrement bien dépeint, avec force détails. En effet, Raphael Bob-Waksberg, à la fois écrivain, comédien, acteur et producteur, n'est sans aucun doute pas étranger au sujet qu'il a voulu traiter en tant que scénariste de BoJack Horseman, et ça se sent. Il n'hésite pas à livrer de nombreux noms de personnalités et à s'en moquer allègrement, comme Naomi Watts et Quentin Tarantino (S01E10 One Trick Pony) ou encore Daniel Radcliffe (S02E08 Let's Find Out).

Le souci, c'est qu'on n'a pas forcément une connaissance suffisante du "star system" pour comprendre toutes les vannes, qui se transforment en "private joke" destinées aux accros de magazines people ou aux connaisseurs du milieu. Je vous livre un aperçu de la problématique. Avant d'écrire cet article, je n'étais pas au fait de la relation entre Justin Timberlake et Jessica Biel. Je vous vois déjà sauter au plafond. Mais comment as-tu pu rater ça?? Eh oui, désolé, je ne regarde presque pas la télé et je ne lis pas de magasines people, même chez le médecin! Du coup, je suis passé à côté du clin d'oeil de l'épisode flashback The BoJack Horseman Show, S03E02, dans lequel Jessica Biel dit à Mr. Peanutbutter, son compagnon d'alors, qu'elle va épouser Justin lors d'une dispute.



Et des passages comme ça, il y en a des dizaines. Je sens que je passe très souvent à côté de clins d'oeil parce que je ne possède pas la référence, et c'est embêtant. Parce que lorsque c'est un petit plus, et que ça reste discret, ça passe. On ne s'en rend même pas compte. Mais là, je m'en aperçois, et en plus c'est vraiment fréquent. On finit par ressentir ça comme une frustration, et c'est plutôt gênant. Dois-je lire Closer pour tout comprendre à BoJack Horseman?

La temporalité est elle-aussi codifiée à l'extrême, pour des besoins de caricature sociétale. Les références aux années 80, 90 ou 2000 par le biais de flashback sont monnaie courante, et on se moque allègrement des modes et technologies de l'époque, comme la musique que BoJack peut écouter dans sa voiture à différentes époques, ou le beeper de Wanda Pierce, sortie d'un coma dans lequel elle était plongée depuis 30 ans. Les styles musicaux et vestimentaires des décennies passées sont décrits avec une grande précision, ce qui renforce l'efficacité de la caricature de ces époques. Et ça, pour le coup, ça me va, parce que je n'ai pas besoin de feuilleter un torchon toutes les semaines pour saisir.




La pertinence monte en puissance au fil des saisons



Sans avoir trouvé ça totalement nul non plus, je vous avoue avoir décroché en début saison 1, pour les raisons que j'évoque plus haut. J'ai fini par me motiver pour m'y remettre, et petit à petit, épisode après épisode, la pertinence s'installe. L'univers est de mieux en mieux exploité, les gags sur les animaux se font plus nombreux et font mouche, et les personnages gagnent en consistance, en profondeur et en humanité.

J'ai clairement eu le sentiment que la série se cherchait et a mis du temps à se trouver, à comprendre ses buts et les raisons pour lesquelles elle existait. Il faut dire aussi que les thématiques principales ont évolué au fil des saisons et même des épisodes. La saison 1 était très axée sur le "star system" vu de l'intérieur et ses travers, tandis que la seconde porte plutôt sur Hollywood, le cinéma et sa face cachée. La saison 3 traite d'une quête existentielle. C'est une introspection du personnage principal, l'histoire de sa recherche du bonheur. Je précise d'ailleurs qu'une fois n'est pas coutume, je suis en accord avec l'écrasante majorité des critiques, notamment celles qu'on peut lire sur Rotten Tomatoes : le cartoon s'améliore au fil du temps, et l'épisode 4 de la saison 3, Fish Out of Water, dénué de dialogues, très esthétique sur le plan visuel comme musical, mélancolique, comique et poétique, est clairement magistral, le meilleur de toute la série.




Alors, finalement, c'est bien ?



Ne vous y trompez pas, BoJack Horseman n'est pas qu'une série comique. Si elle propose une critique acerbe des travers d’Hollywood et des maux de notre société moderne, elle illustre aussi la vie d'un homme en pleine crise de la cinquantaine et celle de son entourage, dans un monde où les relations naissent aussi vite qu’elles disparaissent, et où la solitude, le spleen et l’insatisfaction existentielle sont monnaie courante. En ce sens, elle fait mouche, et pas qu'un peu. La contrepartie, c'est que, avouons-le, ça fout quand même parfois le cafard. Le principal reproche qu'on peut lui faire, c'est le temps qu'elle met à réellement démarrer.

Pour conclure, je dirais que si vous cherchez autre-chose que des éclats de rire faciles, et que vous ennuyer sur une demi-saison ou plus ne vous fait pas peur, BoJack Horseman est fait pour vous. Mon ressenti, c'est que même malgré tous les défauts que je lui trouve, cette série d'animation reste une oeuvre sensible et pertinente, qui surnage au-dessus de la production télévisuelle actuelle, animée ou non. Plus qu'un simple divertissement, elle propose une analyse de fond, doublée d'un humour grinçant.



Auteur

SuperJohnson
Admin
"Diantre !" avatar

Commentaires

Monsieur Zap
"Lick, lick, lick my balls !" user_avatar

Le

Yo !

Merci pour la review, je materai à l'occasion. Ca me fait penser à Larry et son nombril (Curb Your Enthusiasm), série produite par HBO. Même principe.

Dernière modification le 08/09/2016 à 16h13
SuperJohnson
"Diantre !" user_avatar

Le

Oki, j'irai jeter un oeil à la série dont tu parles ;)

Edit 1 : Je précise qu'en com' tu peux copier/coller une url, ça te fera un lien non nommé. Exemple pour Curb Your Enthusiasm : https://fr.wikipedia.org/wiki/Larry_et_son_nombril

Edit 2 : Là comme c'est un peu long je l'ai classé en critique et pas en review :P

Dernière modification le 09/09/2016 à 02h53

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