La Causerie de Monsieur Zap : Laudanum, revue de Bande Dessinée

Une revue de bande-dessinée dix-neuviémiste nommée Laudanum m’a particulièrement surpris cet été, je voulais en parler. Elle emprunte son nom à une préparation pharmaceutique psychotrope très en vogue au XIXème siècle dans la bohème artistique.

La Causerie de Monsieur Zap

Laudanum, revue de Bande-dessinée

"Laudanum... soulage la douleur, amène le sommeil, guérit les diarrhées aigües, apaise les irritations, calme le nourrisson, accélère la guérison du rhume et de la méningite, résout les problèmes cardiaques, supprime les crampes menstruelles. Confère à la peau un teint blanchâtre du dernier chic."
Pour ceux que ça intéresserait, en voici une définition plus complète du CNRTL.





Il existe trois numéros de Laudanum, le premier étant sorti en 2012, le dernier en 2015. S’il n'est plus possible de se procurer les opus 1 et 2 originaux en dehors du marché noir, le 3ème est toujours disponible à la vente chez un bon libraire parisien : Thé-troc et sur la boutique web de l'éditeur : Le Coq Illustré. Il y a quelques temps, ce dernier a d'ailleurs eu la bonne idée de rééditer les deux premiers volumes en un seul tome, Laudanum=Poison. C'est donc cette réédition que j'ai eu le privilège de lire, en plus du dernier tome. Comment en suis-je arrivé à feuilleter cette revue obscure dont personne ne parle et que personne ne connaît (à part les auteurs eux-mêmes)? Eh bien, je ne m'en souviens plus. Cela dit, les auteurs-dessinateurs ne sont pas inconnus du monde de la BD. Certains ont participé aux génialissimes Glory Owl, que j'avais découvert via la revue de BD Aaarg.





Parler de cette revue ne se fait pas sans une vile intention. En effet, via cet article je souhaite faire un peu de publicité pour la revue, mais aussi et surtout pour ce site web au nom saugrenu qu'est faistesbalises, sur lequel paraîtra cette review. Je tiens donc à vivement remercier d'avance les auteurs de Laudanum pour leur notoriété et leur réseau de diffusion, qui j'en suis certain feront de ce site une véritable agora du web.

Mais alors Monsieur Zap, qu'en est-il de cette revue obscure ? Un peu de patience, j'allais y venir.

Côté format et qualité esthétique, je ne suis pas sûr qu'ils gagnent un rond avec ce formidable projet. Le papier est de qualité, la couverture solide, cartonnée et colorée, un format grand livre de poche (genre manga) pour une somme de 12 boules pour le 3ème volume. Là où ils réduisent leur frais, je suppute, c'est dans le choix de l'imprimerie. Laudanum a été imprimé en Lituanie ! Les coquins. Faire travailler des ouvriers avec un salaire de misère pour imprimer un dégueulis de bobo parisien... la classe! La revue est également entièrement en noir et blanc et comporte environ 150 pages par volume.

Et le contenu alors ? Que peut-on lire dans cette revue qui participe à la domination des pays riches sur les pauvres, à l'entretien d'une classe oisive? Eh bien, alternant le format BD et les fausses publicités, tout son univers prend place au XIXème siècle, à Paris principalement, mais aussi de l'autre côté de l'atlantique sur le thème des cow-boy. On peut y lire des histoires courtes, d'une dizaine de pages environ, comme celle de ce boxeur anglais qui souhaite prouver à tous que la boxe est le sport de combat le plus noble et le plus efficace. Entre deux histoires, nos yeux s'arrêtent sur des pages de réclames stylisées, dans le fond comme dans la forme, aux canons de la presse du XIXème siècle : certaines vantant le bicarbonate de soude pour ses vertus contre la migraine et la colique, d'autres encore invitant à tester le harnais érectile du professeur Prostatus. Quelques aphorismes nihilistes jonchent également ces pages comme celui ci-dessous. Bref, c'est drôle, absurde, débile, méchant, un humour qui fait du bien dans ce climat d'ode à la bienséance.






Laudanum est un concentré d'humour noir, un appel à la dérision qui n'épargne pas les bons sentiments, l'honnêteté et la bien-pensance. Cet humour nous enjoint à penser le monde de manière plus positive dans le sens où les personnages dépeints ne sont (encore) qu'une fiction. Les différentes planches présentées dans cette revue mettent toujours en scène des personnages excessifs qui étrillent les belles valeurs, tel Gad le pastiche du rédac' chef façon dix-neuvième, égoïste, cupide et opportuniste, qui abhorre la classe laborieuse et exècre les dessinateurs de sa revue.

Si vous voulez rire de ce que le monde a produit de plus immonde chez les humains, je vous conseille vivement la lecture de cette revue.